Choses vecues Choses lues

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Les effondrés - Mathieu Larnaudie

Sous forme de chapitres courts aux phrases très longues, « Les effondrés » dresse

le portrait de protagonistes clés de la crise économique de 2008, jamais nommés,

et de l’abîme dans lequel cette crise les a plongé, eux qui tombent de très haut. Il y

a les très connus, Alan Greenspan, Nicolas Sarkozy, Angela Merkel, Bernard Madoff,

et d’autres moins connus, avec en fil rouge la confession d’un milliardaire, qui,

contemplant sa fortune qui s’envole en fumée devant les eaux calmes du lac Léman,

revient pour la première fois sur la trajectoire de sa vie.

 

Lire « Les effondrés » sur un coin de table, d’un œil distrait ? N’y songez pas. Ce livre

requiert toute votre concentration pour entrer dans le rythme de ces phrases fleuves

à arborescences multiples, qui agissent comme autant de double-fonds, de

commentaires ironiques et d’explorations du spectacle qui se joue sous nos yeux.

 

La récompense est à la hauteur de l’effort, c’est un texte somptueux, envoûtant qui

donne, loin de l’agitation de l’actualité, une ampleur mythologique et fascinante à

l’effondrement idéologique du dogme libéral révélé par cette crise, au destin de ses

protagonistes qui semblent non pas frénétiquement agités mais pensifs, en état de

sidération devant la trajectoire de leur propre chute ; un texte qui met en exergue

leurs dénégations devant l’écroulement de cette idéologie (excepté pour Greenspan

lors de son audition devant le Congrès, scène fondatrice qui m’a vraiment fait entrer

dans le livre), qui souligne le rejet de la responsabilité sur une clique de voyous

symbolisé par le plus grand escroc de cette bande, Madoff, dissimulant ainsi qu’on

assiste ici non pas au naufrage du Titanic mais au « naufrage de l’idée même de

navigation ».

 

Il est très difficile d’extraire une citation de ce texte, je retiens celui-ci de la scène

avec Greenspan évoquée plus haut…

 

« et à l’homme de cire qui lui demanda, brutalement, avec une feinte candeur

qui en d’autres époques l’aurait fait passer pour un illuminé irresponsable ou pour

un adolescent rebelle, un peu turbulent et provocateur, s’il convenait de ce que sa

vision du monde, son idéologie, n’était "pas la bonne", ne fonctionnait pas, on

entendit le maître répondre – et sans doute furent-ils, à l’instant précis où ces

mots franchirent ses lèvres, nombreux ceux dont le sang se glaça, nombreux

ceux qui guettèrent autour d’eux, sur d’autres visages, les réactions les assurant

qu’ils n’avaient pas été victimes d’un problème acoustique, que la scène pour

ainsi dire surréaliste ,impensable à laquelle ils assistaient avait bel et bien lieu –

que, oui, absolument, il s’était rendu compte que pendant quarante ans il avait

appliqué une idéologie et que celle-ci avait échoué, qu’il avait constaté "une faille

dans l’idéologie capitaliste", dont il ne savait pas à quel point elle était significative

ou durable, mais qui l’avait plongé dans un profond désarroi. »

 

Un livre magnifique.



02/10/2012
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