Choses vecues Choses lues

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Badenheim 1939 - Aharon Appelfeld

Martin le pharmacien et Trude sa femme malade, Sally et Gertie, prostituées en fin

de parcours, le docteur Papenheim, impresario du festival de musique local, le chef

d’orchestre et ses musiciens, des jumeaux chanteurs, etc., toute une petite société

d’habitués se retrouve en 1939 pour la saison à Badenheim, station thermale

petite-bourgeoise autrichienne, dans une ambiance initialement proche de celle de

La Montagne magique.

 

Progressivement, les juifs sont soumis par le service sanitaire à des examens puis

à la quarantaine, enfermés dans ce village de Badenheim, avec la perspective,

constamment discutée, d’être forcés d’émigrer en Pologne ; ils se rassurent sur le

fait qu’ils n’y perdront rien, que l’air est plus pur en Pologne, mais, l’inquiétude

grandit comme une ombre quand le soleil décline, le silence et la peur s’épaississent

de jour en jour. Naïveté des juifs qui se considèrent comme assimilés, Papenheim

est perçu par beaucoup comme le bouc émissaire, la ville aurait été bouclée à

cause de la corruption autour de son festival, et les juifs de l’est sont accusés par

les autres, ceux qui se sentent autrichiens avant tout, comme les responsables de

tous les maux.

 

« Le secret et la crainte accompagnant une nouvelle compréhension enveloppaient

de plus en plus les gens. Ils marchaient posément, parlaient dans un murmure. Les

garçons servirent des fraises à la crème. L’été vint déployer sur la vaste terrasse

l’ombre de son délire enivrant. Les jumeaux rougissants prirent place à côté de

leur directrice sans dire un mot. Dans les réunions, ils avaient l’air d’enfants. Le

docteur Papenheim avait préparé un programme chargé et tout le monde vivait

dans une étrange expectative. Entre deux enquêtes, les gens âgés mouraient.

La ville macérait dans des vapeurs d’alcool corrosives. »

 

Voici un extrait des mots d’Aharon Appelfeld au sujet de Badenheim 1939, dans

Parlons Travail de Philip Roth : « Aujourd’hui encore, on s’accorde à prendre les

Juifs pour des créatures habiles, retorses et pleines de finesse, qui auraient

engrangé toute la sagesse du monde. Vous ne trouvez pas fascinant de voir

comme il a été facile de les berner ? Il a suffi de subterfuges simplets, pour

ne pas dire enfantins, pour les parquer dans des ghettos, les affamer des mois

durant, les leurrer de faux espoirs, et finir par les faire monter dans les trains

de la mort. C’est cette ingénuité qui s’imposait à moi lorsque j’écrivais Badenheim. »

 

Badenheim 1939 retranscrit, sans jamais donner le moindre élément d’un

contexte historique connu de tous, l’aveuglement au bord du gouffre de cette

société qui n’est malgré tout absolument pas idéalisée dans ce récit.



06/02/2013
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