Physiologie des lunettes noires - Jérôme Leroy
Il faut vraiment être un artiste de la plume pour écrire un tel livre, construit
sur des digressions et des farcissures autour du thème des lunettes noires ;
digressions autobiographiques sur l’éducation nationale, sa dérive lente et
certaine, et sur la façon dont est vu un prof qui se pique d’écrire et de
porter des Wayfarer noires, sur un voyage ensoleillé en URSS en 1980,
sur un dépucelage télévisuel en 1990 lors de l’émission de Thierry Ardisson
«Lunettes noires pour nuits blanches» ; farcissures sur les lunettes noires
et la littérature, le cinéma et le décalage que l’on peut ressentir quand
on aime par dessus tout l’hédonisme du monde d’avant. Farcissures qui
donnent envie de revoir une fois encore "Le Fanfaron" ou "Diamants
sur canapé", et de lire ou relire Bukowski, et d'autres.
Bref, c’est un livre qui n’entre pas dans les cases « marquétingues »,
ni essai ni roman, « ni viande ni poisson ».
« Physiologie des lunettes noires » est un inclassable délectable, dans
lequel les lunettes noires sont la marque d'un style, le révélateur d'une
époque, mais aussi l'écran protecteur contre le vide contemporain.
« Tu en connais beaucoup toi des individus qui ont aussi peu besoin de
toi de ce qui fait la satisfaction éphémère et triste de tes contemporains ?
Des écrans plats, des fringues de marque, des ouiquendes clés en main
dans des hôtels exotiques conçus comme des bounequères, des
téléphones portables qui font horloge, ordinateur, casino, conseiller
conjugal, journal intime, banque, sekstoïlle, confessionnal et livre de
chevet. Non, je te connais, ton idéal c’est un transat délavé dans un
jardin touffu de la campagne française. Si tu peux avoir la mer pas loin,
tant mieux. Sinon, tu t’en accommoderas. Pas d’autres maisons dans les
environs. Pas d’internet. Des livres. L’odeur de l’herbe coupée, des
abricots et du chèvrefeuille, de l’encaustique et aussi de la poussière.
Des bouteilles de bourgueil qui attendent sagement sur les tommettes
de la salle plongée dans la pénombre fraîche. »
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