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Les cobayes - Ludvik Vaculik

Journaliste très populaire et auteur en 1968 du manifeste des « Deux mille mots », Ludvik Vaculik fut exclus du Parti Communiste et interdit de publication pendant plus de vingt ans après le printemps de Prague. Il écrivit donc ce roman en 1970, publié initialement en samizdat puis traduit dans de nombreux pays.

 

« Les cobayes » démarre comme l’histoire d’une famille banale de Prague, comme un récit pour enfants au ton presque infantilisant. Le narrateur et père de famille, Vachek, employé dans une banque d’état, offre pour Noël, avec l’accord de sa femme Éva, deux cobayes à leurs deux fils Vachek et Pavel.

 

Mais un malaise diffus prend rapidement racine, que ce soit dans le cercle familial autour des cobayes, dans le milieu professionnel et collectif, à la banque, mais aussi dans le langage et les mots eux-mêmes.

 

Les employés cherchent à voler des billets de banque. Quand ils sont repérés par la police, les flics se contentent de confisquer et de détourner l’argent, sans inquiéter davantage les employés. Mais une inquiétude pèse, l’attente d’une crise. À la maison, les cobayes, symboles des hommes miniatures manipulés par le régime, prennent une place de plus en plus grande et obsèdent bientôt le narrateur, qui les observe à la loupe et les soumet, la nuit, à des expériences de plus en plus étranges, tortures physique et psychologique des cobayes. Le malaise grandit dans cet univers qui devient surréaliste, de plus en plus pesant, cauchemardesque pour finir, un monde dont on semble ne pas avoir toutes les clés.

 

Les cobayes est le récit symbolique d’une oppression vécue, mais rien n’est aussi évident et le livre reste impénétrable, selon la volonté d’un auteur qui vivait lui-même exclus.

 

"Il sourit et me dit : « Le vrai sens des cobayes, cher collègue ? Vous ne le découvrirez que plus tard. »

Je n’ai plus posé de questions."

 

Restant toujours opaque, "Les cobayes" rend remarquablement bien le malaise, la perte de sens grandissante de la vie de ces hommes soumis à l’oppression et qui sont comme des petits animaux.

 

"Mais j’avais oublié de débrancher le haut-parleur de la chambre d’Éva. Les heurts contre le saphir, les grincements et les bruissements l’ont réveillée.

« Mais qu’est-ce que tu fais là ? dit-elle soudain derrière moi.

- Je fais tourner Ruprecht sur le tourne-disques, dis-je.

- Qu’est-ce que tu fais ! » s’écria-t-elle.

Je me demandais si je pouvais soutenir que Ruprecht lui-même l’avait souhaité. Il continuait de tourner. Eva toucha l’interrupteur ; le manège s’arrêta. Elle me regarda avec stupéfaction, puis elle dit, furieuse :

« Que vas-tu devenir à la fin ? Une bête ? »

Elle partit.

« Un cobaye ! » répondis-je."



17/02/2013
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