Choses vecues Choses lues

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Le son de ma voix – Ron Butlin

« Le son de ma voix » est l’histoire d’une distance ; la distance entre ce que la vie de Morris Magellan devrait être, lui qui a tout pour être heureux -un emploi stable et bien payé chez un fabricant de biscuits, une femme aimante et compréhensive, deux enfants et une jolie maison-, et la réalité de sa vie intérieure d’alcoolique chronique, celle qu’exprime la voix de ce roman ; et aussi la distance entre sa perception du monde et l’image qu’il croit projeter et la façon dont les autres le perçoivent, -sa femme Mary, sa secrétaire, ses collègues.

 

Dans le monde intérieur de Morris Magellan, toutes les journées reproduisent le même mouvement, perfection du lever du soleil et de la table du petit déjeuner qui bientôt vole en éclats, boue qui recouvre tout, les rues, le bureau, boue qui s’immisce jusque dans la bouche de Magellan pour ne se dissoudre que dans l’alcool. Nous sommes les témoins, distanciés par le tutoiement du narrateur qui s’adresse à lui-même, des dérèglements quotidiens de sa lucidité, de la puissance éphémère qu’il éprouve, du côtoiement journalier de l’apogée et du désastre.

 

Le début et la fin du roman sont particulièrement lumineux de justesse et de finesse ; dans le premier chapitre, la perception du monde et le rejet du père dans les mots de l’enfant ; et à la fin c’est le lecteur qui a les mains qui tremblent. Effectivement un roman majeur, comme on peut le lire dans la préface d’Irvine Welsh.

 

« Chaque jour, chaque instant presque, tu dois recommencer la lutte encore et encore – la lutte pour être toi-même. Tu continues à essayer, comme un acteur qui apprend son texte, avec la croyance qu’à la fin, si tu travailles assez dur, tu joueras le rôle de Morris Magellan de façon convaincante. Parfois tu espères aussi te convaincre toi-même. 

Les années passant, tu es devenu très habile à percevoir ce qu’on attend de toi, sans respect pour tes propres besoins ou souhaits. Toi tu n’as jamais été accepté, ni essayé de l’être ; toi tu n’as jamais aimé, haï ou été en colère. Au lieu de tout cela, tu as connu seulement les angoisses du spectacle : ne pas faire ne serait-ce qu’une erreur en oubliant une phrase ou en manquant une réplique. »

 



24/02/2013
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