Choses vecues Choses lues

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Yama Loka Terminus – Léo Henry et Jacques Mucchielli

Yirminadingrad est fascinante ; elle est dans tous nos rêves, elle est notre

futur et notre destruction sans échappatoire.

 

Nids de poule géants dans le macadam, autoroutes désertées, bâtiments

défigurés, constellés d’impacts de pierres, entrepôts, tunnels et trains

abandonnés dans la fange et la crasse, squats de junkies et de monstres

incurables, châteaux de cartons des clodos « comme un gâteau brun et

glaireux sur le trottoir », attentats, guerre et destructions imminentes,

Yirminadingrad est une ville en phase terminale.

 

Et les êtres humains qui se battent pour leurs rêves dans cette ville, qui

se débattent pour survivre sont bouleversants … entourés d’êtres dégénérés

ou perdus (« prendre une ronde de nuit quand tous les dégénérés de

Yirminadingrad sont sur les nerfs est un bon moyen de ne jamais toucher

sa retraite »), au milieu des insurrections, de l’explosion des nationalismes

et sectes religieuses, d’une surexposition médiatique, au milieu d’êtres

humains dont on ne voit plus que les failles béantes, d’êtres fascinés par

les trous noirs (« comme si leurs névroses étaient devenues des paysages

psychiques nécessaires et suffisants, aussi fascinants que le tourisme sexuel,

les jeux vidéos ou la guerre, et bien moins dangereux. »).

 

Il y a 7x3 = 21 nouvelles dans Yama Loka Terminus, sous-titrées « Dernières

nouvelles de Yirminadingrad », 21 morceaux d’humanité déchirante.

 

« Au Palco, un bar sordide et mal éclairé, tu poursuis au café-grappa, à l’eau

de vie de chêne-liège, et tu écoutes les slameurs réécrire les légendes de la

pègre de Yirminadingrad. Le barman explique que, certains soirs, l’âme de la

ville se matérialise près de la porte et vient pleurer ses enfants préférés. Elle

porte couches sur couches de dentelles grises, beiges et noires, déchirées ou

rapiécées grossièrement. Elle porte de nombreux bijoux de pacotille et ne

parle jamais. Elle a une odeur qui n’appartient qu’à elle, qui évoque la réglisse,

la cire chauffée, le goudron humide et la vodka au bout de la nuit blanche… »

( Escale d’urgence (Matériaux pour un adultère) )

 

« Un grondement. Le sol tremble. Des explosions étouffées. Le vacarme de

la pierre qu’on éventre. La guerre a commencé. L’extermination. L’apocalypse.

Dehors il n’y a que la guerre. Il y a la mort qui vient, qui nous sourit, la bouche

hérissée de missiles, la langue chargée de radiations.

Non, ce n’est que le bruit de la foreuse dans une galerie latérale. L’heure n’est

pas encore venue. Nous pouvons continuer, continuer jusqu'à ce que les forces

nous manquent, au-delà encore. Continuer pour sauver la ville.

Yirminadingrad, non, tu ne seras pas détruite. »
(Et s’échapper des c
ôtes rompues, et se répandre en nuées immenses)



11/07/2012
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