Substance Mort - Philip K. Dick
Ce roman de 1977 (« A scanner darkly » pour le titre original) n’est pas vraiment
ou pas que de la science fiction, c’est un livre sombre et très dérangeant, car le
cœur du livre est le dérapage incontrôlé de la société et la souffrance des junkies,
et car c’est un livre très personnel, dédié par Philip K. Dick à ses amis toxicomanes
disparus ou définitivement transformés en fantômes à cause de la drogue.
L’Amérique de « Substance Mort » est dangereuse, toxique, noyée dans un océan
de drogue dont les cachets de Substance M, une drogue de synthèse qui rend
immédiatement accro et détruit les neurones, une Amérique dans laquelle le
moindre mouvement est sous surveillance policière.
Fred qui était un père de famille tranquille, a changé de vie après s’être cogné la
tête à une étagère. Il appartient maintenant à la Brigade des Stups. Pour remonter
les filières de la drogue, son identité réelle est masquée, et il s’est infiltré dans ce
milieu en tant que trafiquant sous le nom de Bob Arctor. Il vit dans une maison
délabrée comme les occupants qu’elle héberge, Bob, Barris et Luckman, tous
accros à la Substance M et mangés par leurs peurs paranoïaques. Fred, chargé
de surveiller Bob Arctor, se dissocie de l’intérieur et de l’extérieur, son identité
tombe en lambeaux, et nous avec.
L’antithèse du livre reposant. Un must ravageur.
« Autre chose : la plus grande crainte d’un agent secret des stups n’est pas d’être
abattu ou rossé, mais de recevoir en douce une dose massive d’un psychotrope
qui déroulera à l’ infini un film d’épouvante dans sa tête, un film qui durera pendant
toute sa vie. Il craint aussi qu’on ne le shoote avec un fix mexicain, mi-héroïne,
mi-Substance M, quand ce n’est pas les deux augmentés d’un poison tel que la
strychnine, de quoi le tuer mais pas tout à fait, et aboutir au même résultat :
l’accrochage à perpétuité, le film d’horreur perpétuel. »
Heureusement que certains passages sont drôles, avec ces personnages déjantés
mais salement attachants, comme ce dialogue sur le vélo de course à dix vitesses
acheté par Barris.
« ARCTOR (logique) : Mais il devrait y en avoir dix. Les vélos à sept ou huit vitesses,
ça n’existe pas. Pas à ma connaissance. Qu’est-ce qui a pu arriver aux vitesses
qui manquent ?
BARRIS : Ces Noirs ont dû trafiquer le vélo, le démonter sans disposer des outils
adéquats ni des connaissances techniques nécessaires, et quand ils l’ont remonté,
ils ont laissé trois vitesses par terre. Elles sont sans doute encore sur le sol de leur
garage. »
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