Six photos noircies – Jonathan Wable
Imaginez que Jorge Luis Borges vous prenne par la main et qu’il vous
emmène voir les tableaux de Jérôme Bosch de l’intérieur. Voilà ce
que j’ai ressenti en lisant « Six photos noircies » de Jonathan Wable,
un roman qui sortira en février 2013 aux Editions Attila, et que j’ai eu
la chance de pouvoir lire en avant-première.
Six photos noircies est un roman-nouvelles, une succession de tableaux
construits autour des deux personnages de Valente Pacciatore et Tirenzio
Perrochiosa, respectivement un biologiste et un médecin, ayant consacré
leurs vies à l’étude des zones les plus obscures de la nature humaine
et animale, dans les endroits les plus reculés de notre planète, au cours
– on le devine – de la deuxième moitié du dix-neuvième siècle. Pour
laisser une trace, Valente Pacciatore prend toujours six photos de ses
découvertes, uniquement six. Sens caché ou contrainte d‘écriture ?
De nombreuses questions restent en suspens, laissant le lecteur dans
une brume de mystères.
On ne sait pas grand chose de la vie de Jonathan Wable, et on aimerait
en savoir plus à la lecture de ce livre fantastique, littéralement et
littérairement parlant, voyage poétique par étape dans un monde peuplé
de sombres créatures, qui semble tout juste précéder l’heure du
Jugement dernier.
"La femme n’était plus qu’un souffle lourd. Elle respira profondément,
puis lui demanda d’une voix sèche ce qu’il attendait d’elle.
Il lui parla alors de la cape, celle que portait le marquis. Une pièce unique
d’un noir très dense sur laquelle la lumière chatoyait de manière incompréhensible,
comme si le tissu renfermait en lui-même une mystérieuse source lumineuse.
Ce vêtement, sa coupe, simple et élégante l’avait fasciné par sa beauté.
Mais au contact du tissu, c’est un geste de recul et de dégoût qu’il avait
d’abord éprouvé. Jamais il n’avait touché une étoffe si froide, si molle. Elle
était aussi désagréable à manipuler qu’elle était belle à contempler, et,
de son propre aveu, le marquis lui-même ne s’y était jamais vraiment
habitué. Il ne la portait d'ailleurs qu’exceptionnellement.
La vieille femme se taisait. Elle regardait Valente avec plus d’intensité
maintenant. Les yeux sombres mais brûlants. Savait-elle de quoi il parlait ?
Il continua sur le même ton.”
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