Choses vecues Choses lues

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Pas Sidney Poitier - Percival Everett

«The only difference between reality and fiction is that fiction needs to be credible.»  Avec un humour nourri de tout l’héritage littéraire et cinématographique américain, Percival Everett, lui, ne s’embarrasse pas du fardeau inutile de la vraisemblance, ou plutôt utilise l’invraisemblance et l’absurde pour éclairer la réalité de ce que c’est d’être noir dans des Etats-Unis toujours en proie à un racisme directement hérité des pères fondateurs, et pour explorer les questions de langage et d’identité.

 

Le héros de Pas Sidney Poitier porte non seulement ce patronyme bizarre, étrangeté qui lui vaudra d’être rossé pendant toute sa jeunesse, mais il est de surcroît le sosie de Sidney Poitier, en plus jeune. Avant de naître, il a également passé 24 mois dans le ventre de sa mère, une autodidacte avisée qui est devenue immensément riche en plaçant toutes ses économies dans la société de Ted Turner. Après le décès prématuré de celle-ci, Pas Sidney est élevé dans la maison de Ted Turner, tout en taisant toujours cette situation et sa fortune à ceux qu’il rencontre.

 

Les péripéties et les rêves de Pas Sidney, inspirés par la filmographie de l’autre (le Sidney Poitier) et certainement par beaucoup d’autres (on pense notamment aux frères Coen –O’ Brother- ou à Philip Roth dans Opération Shylock), lui font croiser une professeur d’histoire nymphomane, des racistes invétérés du sud pour lesquels le temps semble s’être arrêté en 1865, des sœurs complètement déjantées qui voient en lui un envoyé de Dieu pour construire leur église ou bien une étudiante qui l’invite pour Thanksgiving dans le but inavouable de choquer ses parents avec sa peau noire. Il est heureusement soutenu par sa fortune et par son professeur de philosophie du non-sens, Percival Everett lui-même.

 

Une lecture absolument jubilatoire.

 

«Voir la fin d’après-midi virer au crépuscule me terrifia. Il y avait dans la nuit des gens à mes trousses, avides de mes cinquante mille dollars. Je savais qu’ils étaient prêts à me tuer et me demandai s’ils ne l’avaient pas déjà fait. En sortant de la morgue de fortune, je songeai que, si le corps allongé dans le coffre était Pas Sidney Poitier, alors je n’étais pas Pas Sidney Poitier, ce qui, d’après mon savoir en matière de logique et de double négation, faisait de moi Sidney Poitier. J’étais Sidney Poitier.»



02/03/2013
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