Choses vecues Choses lues

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Liquide - Philippe Annocque

Un homme, assis au bord d’un fleuve, laisse sa pensée dériver en contemplant le cours d’eau, attention flottante qui permet à la mémoire de remonter à sa source, empruntant les ponts que les mots jettent au travers des pensées.

 

Une relation de vingt ans qui vient de se clore l’a amené à s’asseoir sur ce banc ; au fil de l’eau de cette introspection vagabonde, le parcours redevient limpide, comme un réveil après un long assoupissement.

 

Exercice de style périlleux dans le tissage des évocations et des non-dits familiaux, des mots souvent déficients qui en appellent d’autres, pour retrouver enfin les étapes de ce parcours ignoré, "Liquide" est un livre brillant, mine de rien. On y avance un peu comme dans ces comptines d’enfant où l’on joue à saute-mouton avec les mots, au long d’une  trajectoire poétique, imprévisible seulement en apparence, comme ces brindilles sur l’eau ou ces gouttelettes de la douche.

 

« Penser "Maman". Autrefois c’était une pensée naturelle, au point d’en être invisible, répandue dans les moindres compartiments de la vie.
Autrefois cette pensée même : « Penser "Maman" » aurait été absurde, dépourvue de sens, impossible ; autrefois cette pensée n’aurait pas été pensée.
Maintenant elle est devenue nécessaire, et laborieuse aussi : c’est comme soulever le plus longtemps possible un poids bien trop lourd pour de pauvres forces humaines, en sachant qu’à la seconde suivante dans l’épuisement de la vanité tout retombera comme une dalle dans la poussière en suspens ;
puisqu’il n’y a plus nulle part une femme dont être l’enfant. »



11/04/2013
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