Don Quichotte - Kathy Acker
Je ne me sens qualifiée ni pour noter, ni pour commenter … et à peine pour lire
ce Don Quichotte de Kathy Acker, un livre paru en 1986, traduit et édité en 2010
par Laurence Viallet. Néanmoins, je le fais malgré tout car on ne peut pas ne
pas parler de ce livre stupéfiant.
Une femme devenue folle suite à un avortement, se lance dans une quête
aventureuse, elle veut aimer. Sur son lit d’hôpital, sa Rossinante, elle devient la
chevalier – nuit (knight – night), à la fois homme et femme ; elle devient don
Quichotte et part dans sa quête en compagnie de Saint-Siméon, un Sancho
Pança qui est un chien, une quête pour aimer et trouver quelqu’un à aimer.
Au cours de ce texte, il-elle pourfend les stéréotypes masculins-féminins,
mais aussi l’Amérique des enchanteurs malins, celle de Nixon-Kissinger-Reagan,
une Amérique dans laquelle les hommes deviennent des chiens, avec pour
arme le texte, la liberté d’une écriture sans contraintes, qui abat les barrières
morales et les piétine à dessein.
C’est un texte difficile, très acrobatique, polymorphe, successivement récit
picaresque, poème, discussion entre jeunes filles, lettre d’amour, dialogue
sur les théories littéraires, texte pornographique, un texte parfois
extrêmement drôle dans lequel Kathy Acker intègre un patchwork de textes
classiques – Sade, Beckett, Shakespeare, Durrell, Conrad … - qu’elle découpe,
malaxe et défigure, un texte sans narration, qui tout à coup emporte, arrête
dans ses fulgurances.
«Seize heures avant de te revoir. 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 13 14 15 16. Je
peux compter jusqu'à seize, mais tu n’auras certainement pas envie de me voir.
Si je te vois, j’aurais envie de toi. Si je ne te vois pas, je mourrai. Je deviens
dingue. Je me fous d’écrire. Je veux juste du temps. Je peux éradiquer cette
nuit en abrutissant mes yeux de travail, de calcul mental, de télé abêtissante :
tu m’as sauté dans les bras, folie : je t’attendrai éternellement si tu veux
bien venir à moi, car le temps n’existe plus jusqu'à ce que je te voie. L’amour
créé le temps et la vie. Je dois être aveugle : tu es pauvre. Ta vie est un
désastre. Plus tu désires quelque chose, plus tu t’en prives. Toi : mon
cauchemar ; je m’en fous. Tu m’as conquise.»
«Les hommes c’est tout à la fois des chiens et des crânes. Les hommes tout
comme les chiens ont besoin de s’alimenter et d’être au chaud. Les crânes
n’ont besoin ni de l’un ni de l’autre.»
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