Choses vecues Choses lues

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Les enfants des héros – Lyonel Trouillot

«Il devait être midi quand nous avons commencé à courir. »

 

Colin, petit garçon de constitution faible, et sa sœur ainée Mariéla s’enfuient du bidonville. Pendant trois jours d’une fuite circulaire, racontée par le monologue du petit frère, ils cherchent à fuir ou bien à surmonter la mort de leur père Corazón, qu’ils ont laissé étendu sur le sol, crâne ouvert.

 

Le père alcoolique et brutal se rêvait champion de boxe. Véritable raté, il maintenait ses rêves en vie avec l’aide du rhum, ou étouffait leur mort en battant constamment sa femme Joséphine, devenue transparente à force de recevoir des coups.  Heureusement pour Colin, il y a Mariéla la grande sœur, la préférée du père : personnage merveilleux, elle est déterminée, protectrice de Colin face à la violence du père, forte femme, du haut de ses seize ans, refusant de ressembler à une mère-victime qui accepte en silence les coups de l’homme qu’elle aime, et enfin vengeresse, se sentant trahie quand elle découvre enfin la faiblesse de Corazón.

 

Lyonel Trouillot fait naître des dizaines personnages de la voix d’un enfant. Magicien du flot des mots, tel le mouvement des enfants qui s’enfuient, il invente une langue capable de tout dire, qui rassemble le passé, le présent et l’avenir ensemble. Dans un environnement misérable et violent, ses mots abolissent la frontière entre poésie et prose, ils donnent vie à des voix singulières - ici avec Colin, comme dans les inoubliables «Thérèse en mille morceaux» ou «Rue des pas perdus». Quant aux autres écrits de Lyonel Trouillot, il me reste encore le plaisir et l’attente de les découvrir enfin…

 

«À quoi sert-il de répéter que les enfants des tigres sont des tigres, que le giraumont ne donne pas la calebasse, tel père tel fils, et autres adages prétentieux, quand on ne sait même pas quelles étaient les couleurs préférées de sa pleureuse de mère, quand on n’est même pas sûr que le père qu’on vénère soit vraiment monté sur un ring, quand tout ce que l’on sait se résume au spectacle de l’une qui prie et de l’autre qui tape, de l’un qui boit et de l’autre qui pleure.»



16/08/2013
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