Le voyage imaginaire - Leo Cassil
Punis par leur père, exclus de tout ce qui a de l’intérêt dans le monde des adultes,
Lolia et son jeune frère Osska s’inventent un pays imaginaire et utopique, la
Schwambranie, alors que débute la révolution Russe. La Schwambranie est
largement le reflet de la réalité russe de 1917, ainsi que Leo Cassil le dit
lui-même au début du roman, un pays imaginaire envahi par l’actualité politique
et historique, mais aussi par des détails de la vie quotidienne des enfants (par
exemple les noms des médicaments prescrits par le père médecin, tel le nom
du méchant de Schwambranie, le sanguinaire châtelain Urodonal, alors un
médicament pour lutter contre les calculs biliaires et rénaux), ou par leurs
lectures d’enfance.
« En Schwambranie, nous habitions la grand-rue de la ville de Drandzonsk,
dans une maison de diamant, au 1001e étage. En Russie, nous vivions place
du Marché, dans le bourg de Pokrovsk – plus tard ville de Pokrovsk – sur la
Volga, en face de Saratov, au premier étage. »
Publié initialement en 1933 en URSS, « Le voyage imaginaire » est aujourd’hui
un témoignage extraordinaire mais un récit relativement difficile à décoder,
certainement pas un conte pour enfants, un roman oscillant entre la propagande
et le soutien au nouveau régime, la dénonciation néanmoins virulente de ses
décisions absurdes, un récit d’une ironie féroce, et enfin une mise en lumière
de l’antisémitisme régnant alors en Russie.
Confrontée aux difficultés matérielles, à la guerre, à la famine, l’utopie peut-elle
durer ? Tout en militant pour maintenir cette flamme de l’utopie, "Le voyage
imaginaire" est aussi le récit de son usure et de sa disparition.
La vie de Leo Cassil offre une illustration particulièrement cruelle a posteriori de
cette usure avec la disparition de son frère cadet Ossip (Osska dans le roman),
mort au goulag à trente ans. Mais retenons aussi qu’une planète découverte en
1979 par un astronome Russe fut nommée Schwambrania en l’honneur de ce
livre culte.
"Le voyage imaginaire", réédité par les éditions Attila en 2012 (une première en
France depuis 1937 !), est une découverte étonnante, et aussi un particulièrement
bel objet par sa mise en page, les polices de caractère utilisées et, comme
toujours avec Attila, par ses illustrations.
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