Choses vecues Choses lues

Choses vecues Choses lues

Le professeur de scénario - Luc Dellisse

La littérature permet d’avoir des fantasmes et de les réaliser, en tous

cas plus souvent et plus sûrement que dans la vie, pour peu que l’auteur

ait des talents de conteur et du style.

 

Ici, dans ce roman où le narrateur et l’auteur semblent se superposer

en grande partie, ce narrateur, professeur de scénario français enseignant

à l’Université  de Genève, assouvit le fantasme de scénarisation de sa

propre vie, transformée ainsi en une succession de prophéties (presque)

auto-réalisatrices.

 

Sur une période de seulement trois jours, le département cinéma de

l’Université de Genève va être le théâtre d’un scénario incroyablement

riche, qui parfois semble se plier, parfois se rebeller aux injonctions de

son démiurge, avec pour ingrédients l’argent, le sexe, un complot, des

petits délits et des soupçons d’assassinat, tout cela sur fond de

Calvinisme, terreau des divergences culturelles franco-suisses dans le

corps professoral, et face à la splendeur froide du lac Léman et des

montagnes qui l’entourent.

 

Un moment de lecture savoureux, avec un livre qui rend hommage au

pouvoir de l’imagination et de la littérature.

 

«Les professeurs pour la plupart sont des gamins déguisés en vieux sages»,

et les auteurs parfois aussi. Ce roman confirme en tous cas que Luc Dellisse

est un auteur éminemment drôle et légèrement machiavélique.

 

« J’ai frappé à la porte marquée : Directeur du Département.
Une voix claire, métallique, a crié "Oui, Oui" et je suis entré dans le

bureau de Mathieu.
Ce spécialiste de Murnau et de Pabst avait le visage ovoïde et blême

de Nosferatu. Son habitude de porter des chemises noires augmentait

encore l’étrangeté de sa pâleur et de son immobilité. Ses cheveux lisses

et noirs, ses sourcils minces et comme épilés et surtout, l’air de jouissance

avec lequel il se délectait de formules anormalement cérémonieuses,

articulées dans desserrer les dents, lui donnaient un air inquiétant. »

 

« Aurore, la première fois que je l’ai vue, j’ai compris l’indifférence des

criminels à l’égard des peines de prison. Elle était dans la cuisine, juchée

sur un tabouret Ikea, elle buvait un bol de Nesquik. Mince, à peine nubile,

elle paraissait mineure. Pas de beaucoup mais assez pour être intouchable.

Ça ne m’empêchait pas d’avoir envie de la toucher de toutes les façons

possibles. L’audace seule me manquait. »



15/11/2012
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