Choses vecues Choses lues

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Le Messager - Charles Stevenson Wright

Né dans le Missouri et élevé par ses grands-parents, lecteur avide dès son plus jeune âge, impatient de découvrir le monde, Charles Stevenson Wright (1932-2008) partait en stop toutes les semaines, dès quatorze ans, pour passer le week-end à Kansas City ou St-Louis. Débarqué à Manhattan à la fin des années cinquante, il travaille comme coursier au Rockefeller Center et fait des passes quand il n’a plus d’argent. «Le Messager» (1963) est le premier de trois récits autobiographiques de ses années new-yorkaises.

 

«Et les voilà qui passent, les voilà qui passent, ces joyeux tordus aux pas pressés, les employés de bureau. Ils ont trouvé leur niche dans ce monde et ils vont se démerder pour que vous le sachiez, que vous ne fassiez rien de stupide qui risque de détruire leur petit univers. Bourgeois jusqu’au trognon. Et voilà les miens, les gens de ma race, qui passent aussi comme autant de points noirs dans un champ blanc. Flot noir et blanc, voix perçantes et éraillées, comme celles de gosses rendus enragés par la faim. Gémissements du trafic embouteillé et hoquets de la ville nauséeuse. Non, non, je n’appartiens pas à ce qui défile là.»

 

Spectateur incisif de la vie, authentique et lucide, enrageant d’être seul, intégré nulle part à cause de la ségrégation et du racisme, de la pauvreté, et de son dégoût de la routine et des classes moyennes, il livre en chapitres brefs des chroniques de Manhattan, séances de tapinage ou de came auprès des gosses de riche et de la «haute» société, dans laquelle il pénètre grâce à sa belle gueule, spectacle d’une société de bourse un jour d’effondrement des cours à New-York, scènes tragi-comiques, sordides ou touchantes.

 

«J’ai toujours erré comme un fantôme mal assuré à travers le monde des Blancs.»

 

Toujours à la marge, Charles Wright dresse une galerie de portraits saisissante de cette ville où tout se côtoie dans l’indifférence ; prostituées, travestis, arnaqueurs ou gitans, ils semblent tous plus vrais que nature, de Claudia la Grande Duchesse, un noir junkie et travesti qui se transforme en «gonzesse du tonnerre», à Maxine la petite voisine, lutin effronté de sept ans qui rencontre Charlie «quelque part entre l’enfance protégée et la sauvagerie du monde adulte», et enfin celui de la grand-mère, paradis de l’enfance.

 

«Ma vie m’apparaissait aussi vide que celle d’un matou qui, après avoir traîné dans trop de ruelles, n’y aurait rien amassé de plus que le bagage d’une putain.»

 

Un bagage en forme de récit, cabossé et solitaire, désespéré et drôle, une voix unique à découvrir enfin en français en Janvier 2014 grâce aux éditions Le Tripode.

 



04/01/2014
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