Choses vecues Choses lues

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Le début de quelque chose - Hugues Jallon

Hugues Jallon, grand maître du malaise, nous plonge dès le premier chapitre

dans la sauvagerie, avec une scène de traque d’une horde de sangliers,

précipités dans le vide du haut d’une falaise.

 

«Tout l’après-midi, avec les autres membres de l’équipe, j’ai regardé les

hommes traîner les cadavres sur le rivage, j’ai respiré l’odeur des entrailles

qui débordaient de la peau luisante et déchirée, j’ai vu les longues trainées

rose pâle d’eau et de sang qui s’échappaient de leurs corps et se répandaient

sur le sable, au milieu des algues.

Je sentais bien.
Si vous aviez vu ça.
Sous ce ciel magnifique.
Oui, c’était le début de quelque chose.»

 

Le début de quoi ? Un groupe est en route vers un club de vacances. Vacances,

j’oublie tout, plus rien à faire du tout : ce refrain pourrait être le leitmotiv de

ce centre hôtelier idyllique. Mais le malaise reste présent, toujours, initialement

avec ces zones envahies par la misère et les sacs plastiques qu’on traverse avant

d’arriver dans cet univers de sodas glacés, de cures d’algues marines et de

relaxation au bord de la piscine.

Puis le doute croît : est-ce vraiment un club de vacances ? L’angoisse se développe

autour des signes inquiétants, anodins mais qui s’accumulent, un orage inattendu,

une scène de ménage très violente qu’on entraperçoit, des rumeurs, la dégradation

progressive du club avec l’ascenseur en panne et la pelouse qui se raréfie.

 

En pleine confusion, le lecteur navigue entre les voix des vacanciers dont la vie

se vide de tout contenu, qui perdent tout repère temporel et capacité de jugement,

et les voix de ceux qui les surveillent en permanence, analysent leurs faits et

gestes, semblent les observer comme des rats de laboratoire. On est perdu

entre émission de téléréalité, un camp de vacances qui devient juste un camp,

mais les vacanciers, eux, comme anesthésiés, restent confits dans leur état

de bonheur artificiel.

 

Un miroir puissant de l’endormissement et de la sauvagerie qui règnent

dans notre société.

 

«Regardez, les voilà qui commencent à se détendre, oubliant les odeurs du

voyage, la sueur dans leurs vêtements froissés, ils déambulent dans les allées,

longent les massifs d'épineux, goûtant la fraîcheur des pelouses.
C'est un nouveau rythme.
Une vraie libération.»



10/02/2013
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