L'amour sans visage - Hélène Waysbord
Voici un commentaire remarquable sur le livre de ma maman, "L'amour sans visage" :
"Un grand livre ... C'est un livre exigeant et tendu - pas drôle du tout, contrairement
à ce que vous aviez suggéré un moment -, d'une construction virtuose et
complexe, d'une écriture très belle ... "lapidaire et poétique".
Il y a des phrases que l'on souligne pour s'en souvenir : "Dans l'autobus
numéro zéro, j'usais les jours sur la ligne interminable du temps" ; "je
dialoguais avec mes songes" ; et cent autres encore.
Le choix de ces paragraphes courts et de cette progression un peu en spirale, ou
du moins par chevauchements, est très remarquable. Les replis du temps,
dans leurs rapports àl'amour et aux amours, évoquent naturellement
Nerval et Proust. J'ai retrouvé [le premier] dans plusieurs moments
fulgurants sur le temps, la recherche des parents, l'abandon, la folie...
Hugo ...m'est apparu uniquement sous la forme de "Tristesse d'Olympio"
(aimée de Proust), dans les expériences de retour vers le passé,
à Argenteuil, Aurion et Versailles (p. 45, 75-76).
Le portrait de François Mitterrand est magnifique, à mes yeux pour cette capacité
d'élire d'un simple regard qui lui plaisait, ce "bonheur de voir" qui est un
bonheur de vivre, et qui en fait un personnage stendhalien - le contretype,
en quelque sorte, de la narratrice (et leurs deux univers si radicalement
différents sont évoqués quelque part). On regrette à vrai dire de le voir si peu,
même s'il revient, lui aussi ; ce n'est qu'un personnage parmi d'autres,
dans ce kaléidoscope où la figure du père se décompose et se recompose
indéfiniment.
C'est un hommage merveilleux que vous avez rendu là, et l'on ne peut lire les
dernières lettres, et la dernière carte, même avec toutes les mises à distance
et les précautions, sans une émotion poignante. Ces lettres sont plus qu'un visage,
ou plus exactement elles sont plus vraies qu'une photographie, et à ce titre
il est normal qu'elles servent de couronnement au portrait."
Jean-Marc Hovasse
Directeur de recherche au CNRS,
directeur du centre d'étude des Correspondances et journaux intimes,
Université de Bretagne Occidentale
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