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L'Amérique - Joan Didion

Les onze chroniques de Joan Didion, écrites entre 1965 et 1990, et rassemblées par Grasset dans ce recueil paru en 2009 nous plongent au cœur des mythes américains, avec une coloration très particulière, un peu déroutante : ce qui frappe d’emblée dans ce livre est l’insatiable curiosité de Joan Didion, sa facilité à mêler ses observations journalistiques et ses propres fêlures, sa grande acuité qui lui permet de transformer des trajectoires individuelles en paraboles de l’Amérique, ainsi que sa farouche indépendance de vues.

 

Très loin des idées reçues et des utopies, Joan Didion raconte l’Amérique. Elle rencontre les Doors, et Janis Joplin, dîne avec John Wayne, interviewe des mineurs fugueurs constamment sous acide, explore insatiablement les trajectoires des habitants de Haight Ashbury à la fin des années 1960, décortique des faits divers et ce qu’ils révèlent sur cette Amérique, et en particulier sur la ville de New-York et sur sa Californie natale.

 

«La Californie est un endroit où se conjuguent, en un point d’inconfortable suspension, la mentalité du boom et un sens de la perte tchékhovien ; où l’esprit est troublé par un soupçon profondément enfoui mais inextinguible : qu’il faudrait mieux que ça marche ici, parce qu’ici, sous cet immense ciel délavé, c’est l’endroit ou nous arrivons soudain à court de continent.»

 

Elle nous montre des vies en effritement, sans direction claire, au cœur d’un pays qui semble lui-même constamment hésiter entre ordre et chaos. Beaucoup plus que des chroniques, une mythologie authentique des États-Unis.

 

«C’était un pays de dépôts de bilan et d’annonces de ventes aux enchères publiques et d’histoires quotidiennes de meurtres gratuits et d’enfants égarés et de maisons abandonnées et de vandales qui ne savaient même pas orthographier les mots orduriers qu’ils griffonnaient sur les murs. C’était un pays où il était courant de voir des familles se volatiliser, laissant dans leur sillage des chèques en bois et des papiers de procédure de saisie. Des adolescents erraient d’une ville déchirée à l’autre, renonçant au passé comme au futur tels des serpents se défaisant de leur peau pendant la mue ; enfants à qui l’on n’avait pas appris et qui n’apprendraient désormais jamais les jeux assurant la cohésion de la société. Des gens étaient portés disparus. Des parents étaient portés disparus. Ceux qui restaient lançaient des avis de recherche sans conviction, puis passaient à autre chose. Ce n’était pas un pays en pleine révolution. Ce n’était pas un pays assiégé par l’ennemi. C’étaient les Etats-Unis d’Amérique, en ces froids derniers jours du printemps 1967»



19/08/2013
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