Choses vecues Choses lues

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Etoile distante – Roberto Bolaño

Lire "Etoile distante" est comme se pencher au dessus d’un trou noir qui ne

se referme pas. « La mort est mon cœur » écrit Carlos Wieder aux commandes

de son avion dans le ciel du Chili.

 

 

Sous le régime d’Allende, dans les ateliers de poésie de Juan Stein et de Diego

Soto au Chili, le narrateur rencontre Alberto Ruiz Tagler, poète autodidacte,

charmeur élégant, détaché et incertain. Le style de Ruiz Tagler séduit les

poétesses de ces ateliers, autant qu’il irrite le narrateur et son ami Bibiano,
tout en étant le centre de leurs conversations.

 

En 1973, Pinochet est au pouvoir et Ruiz Tagler a maintenant l’identité de

Carlos Wieder. Il est l’incarnation de l’audace et de la confiance en soi pour

ceux qu’il fascine,  il est l’incarnation du mal pour le mal, la rage pure et inutile,

assassin en série, artiste utilisant les photos de ses meurtres pour une exposition

(dont Bolaño ne mentionne que les effets sur ses spectateurs), officier du régime

et pilote poète écrivant dans le ciel ses vers macabres.

 

« Quand il revint à Punta Arenas, Wieder déclara que le plus grand danger

avait été le silence. Devant la stupeur feinte ou réelle des journalistes, il expliqua

que le silence était les vagues du Cap Horn lançant leurs langues vers le ventre

de l’avion, des vagues semblables à de monstrueuses baleines melvilliennes ou

pareilles a des mains coupées qui essayèrent de le toucher pendant tout le trajet,

mais silencieuses, bâillonnées, comme si à ces latitudes la son avait été l’apanage

des hommes. Le silence est pareil à la lèpre, déclara Wieder, le silence est
pareil au communisme, le silence est pareil a un écran blanc qu’il faut noircir. »

 

Bien qu’il nous tienne à distance du mal en nous laissant imaginer le pire,

Roberto Bolaño, autour du destin du Chili et des sympathies néo-nazies du

régime Pinochet, ouvre ici un abime - la fascination pour le mal, et l’alliance

fatale du mal et de l’art.

 

« Le mal froid est comme l'ombre de l'humanité et nous accompagnera toujours. »

(Roberto Bolaño)



31/05/2012
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