Choses vecues Choses lues

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Entrefer - Iain Banks

Si vous n’avez pas encore lu Entrefer, essayez de ne pas lire cette chronique (même si j’ai tout fait pour éviter les spoilers), ni la quatrième de couverture du livre, ni quoi que ce soit d’autre… Sachez simplement que si vous aimez Banks, ou bien les jeux de langage, les textes parsemés d’indices, Alasdair Gray, ou encore l’Écosse, vous avez toutes les chances d’adorer ce livre.

 

Quelques indications sur Entrefer néanmoins pour les autres …

 

Après un accident de voiture, le conducteur a sombré dans le coma. Recueilli inconscient dans l’eau, un homme à qui les médecins ont donné le nom de John Orr se réveille amnésique, hébergé et soigné sur un pont au-dessus de la mer. Son médecin le Dr Joyce est un onirologue, … et Iain Banks un créateur de rêves.

 

Le pont, sans limite connue, se perd dans les brumes et semble ne jamais rejoindre la terre ferme. Ce pont qui comprend bureaux, hôpitaux, ateliers, appartements, boutiques, et même terres cultivées, est un univers à l’ambiance kafkaïenne, d’une taille et d’un fonctionnement impossibles à appréhender.

 

Puis d’autres avenues se développent dans le récit, de nouveaux personnages. Avec le personnage du Barbare, combattant affublé d’une armure magique, toujours prêt à dégainer son épée, étrange mélange de sentiments primaires, d’interdits et de croyances d’enfant, qui évolue autour du fleuve Léthé dans un monde sanglant, Iain Banks expérimente déjà le langage phonétique, qu’on retrouvera avec bonheur dans Efroyabl Ange1. Un troisième homme enfin, dont je vous laisse deviner le nom au fil de la lecture, évoque ses études, sa vie à Edinburgh, ses proches, et aussi et surtout une grande histoire d’amour.

 

Héritage de Ballard, mais aussi de l’immense Lanark d’Alasdair Gray, le récit se déploie tels les entrelacs des motifs de ferraille du pont, les histoires s’entrecroisent comme les informations évoluant dans les synapses du cerveau.

 

Entrefer (The bridge) est le troisième roman de Iain Banks publié en 1986 après Le seigneur des guêpes et Walking on glass (non traduit), et avant qu’il ne se lance dans l’épopée de la Culture. Même si ce Banks est plus prévisible que d’autres (mais surtout à cause du spoiler cité ci-dessus), je l’ai adoré notamment pour ses parties plus sentimentales, et pour les subtils et émouvants croisements entre les histoires comme les X du pont, correspondances qui deviennent convergences et font du lecteur attentif un autre captif du pont.

 

Iain Banks was a man you don’t meet everyday.

 

“En rentrant, je jette une pièce par la fenêtre du tram ; elle descend, brillante, mais va vers la mer, et non vers une île. Un ou deux autres passagers jettent des pièces eux aussi, et j’ai la vision absurde des eaux qui finissent par se remplir de piécettes, et tout l’estuaire qui s’engorge avec les débris monétaires de souhaits oubliés, entourant la carcasse métallique creuse du pont d’un désert compact de numéraire.

De retour chez moi, avant de me coucher, je regarde l’homme sur le lit d’hôpital, fixant son image grise et neigeuse si longtemps que je m’hypnotise presque avec ce tableau vide et figé.»



16/08/2013
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