Choses vecues Choses lues

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Enig Marcheur - Russell Hoban

Ceci n’est pas un livre. Enig Marcheur est beaucoup plus qu’un livre, c’est une

expérience totale et on comprend qu’un culte se soit développé autour de ce

roman paru en 1980 en anglais (ou plutôt en Riddleyspeak), et enfin traduit

trente-deux ans plus tard en Parlénigm grâce aux éditions Toussaint Louverture

et au génial Nicolas Richard.

 

L’humanité a été détruite par une apocalypse nucléaire – le Grand Boum, et

les hommes sont retournés à l’âge de fer ; la vie n’a plus beaucoup de prix

parce qu’il faut bien bouffer et survivre. Dans ce monde où ne subsistent plus

que des fragments de connaissance, les hommes ont gardé la conscience, et

pour certains la honte, de ce qu’ils ont perdu, tout en étant remplis d’illusions

sur ce qu’est la science et la connaissance, comme peuvent l’être des enfants.

 

« J’ai murmué à mon tour : "O ce qu’on été ! Et où on en est rivé !" »

 

Enig Marcheur a douze ans. Dans ce futur lointain, c’est l’âge d’homme, il

quitte son clan, part en quête du monde et couche ses aventures et ses

émotions sur papier.

 

A l’image de l’humanité, le langage n’est pas sorti indemne de cette apocalypse,

il a été détruit, découpé en morceaux (en mort sots). La lecture d’Enig Marcheur

est donc une aventure intense parsemée d’obstacles, de frustrations et enfin de

satisfactions car il faut apprivoiser la langue de ce livre, le Parlénigm.

Enig Marcheur nous plonge dans la confusion de ce monde, en même temps qu’il

nous ramène de force à la lenteur de la marche à pied et de la tradition orale de

transmission des légendes. Russell Hoban réussit la performance géniale de nous

mettre dans la peau d’Enig Marcheur, face à la violence de ce monde, dans la

peau de ce héros habité par une volonté farouche de comprendre et de raconter,

avec des mots et une compréhension des événements retombés en enfance.

 

 «Le jour de mon nommage pour mes 12 ans je suis passé lance avant et j’ai

oxi un sayn glier il été probab le dernyè sayn glier du Bas Luchon. Toute façon

y en avé plu eu depuis long tant avant lui et je me tends plus à en rvoir d’aurt.

Il a pas fait le sol trembler ni rien quand ila foncé sur ma lance il été pas si

gros en plus semblé chétif. »

 

Vers la fin de sa vie, Russell Hoban, qui ne manquait apparemment pas d’humour,

aurait dit « I think death will be a good career move for me». Il est

malheureusement décédé en 2011, avant la publication en France de cette

traduction extraordinaire de Riddley Walker, qui je l’espère recevra la

reconnaissance qu’elle mérite.



28/11/2012
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