Choses vecues Choses lues

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Du domaine des murmures - Carole Martinez

En cet an 1187, Esclarmonde, fille du seigneur du Domaine des Murmures,

malgré la sévérité féroce de son père et malgré l’amour qu’elle lui porte,

refuse le mari qui lui est promis et se fait emmurer dans une cellule contigüe

à la chapelle du château.

 

Inspirée par ce château qu’elle visite en ouverture et fermeture du roman, la

narratrice nous murmure à l’oreille, de sa plus belle écriture, cette histoire

pleine de retournements inattendus, où l’enfermement en cellule se révèle

initialement une source de puissance et d’ouverture sur le monde,

Esclarmonde devenant l’oreille et la confidente de tous, habitants du

domaine ou pèlerins détournant leur route pour s’arrêter auprès d’elle.

 

On ne retrouve pas ici la magie du Cœur cousu, mais Carole Martinez

confirme son talent pour conter des histoires, y compris la grande histoire

avec son évocation poétique des Croisades, et pour fabriquer des personnages

féminins hors normes, ma préférée étant Berengère, servante dévouée

de la châtelaine et géante sensuelle aux cheveux verts.

 

«Après seulement quelques mois, les pèlerins en route pour Rome ou

Saint-Jacques de Compostelle ont commencé à faire un crochet par Hautepierre

afin d’y rencontrer la recluse et la colère de mon père ne pouvait tous les

chasser tant leur foi était grande.
Que ces gens me plaisaient qui sillonnaient, bâton en main, le monde chrétien !

Malgré cette multitude de langues et de patois nés de la déroute de Babel, nous

trouvions toujours un moyen de nous comprendre, d’autant plus que mon frère

m’enseignait le latin, ce qui me permettait d’échanger avec les plus savants de

ces jacquets. J’étais une excellente élève, si douée pour les langues que cela

aussi a ajouté à ma réputation de femme touchée par la Grâce. Je n’avais

jamais tant reçu, tant parlé, du temps où, vivante, je devais garder la chambre,

broder, chanter et obéir à mon père. Tous ces êtres en mouvement venaient

voir l’immobile et la vie passait devant moi, qui pourtant l’avais quittée. […]
J’étais posée comme une borne à la croisée des mondes. »



31/01/2013
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