Choses vecues Choses lues

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Crash ! - James Graham Ballard

Vaughan, ancien présentateur télé totalement narcissique, au physique couturé de cicatrices après un accident de la route, traque jour et nuit les accidents de voiture, la vision des victimes meurtries par la ferraille qui lui procurent un plaisir érotique violent. Branché sur la radio de la police, porté par cette sexualité obsessionnelle et démente, il photographie, détaille, et jouit devant les images des calandres arrachées et des blessures humaines ; et il fantasme sans fin sur un accident qui déchiquèterait les chairs d’Elisabeth Taylor. 

 

Le narrateur de « Crash ! », lui-même appelé James Ballard, après son implication dans un accident de voiture, se transforme. Il commence lui aussi à percevoir le potentiel sexuel des catastrophes routières. Il devient obsédé par Vaughan, ne peut plus s’en défaire.

 

Le récit est dur, dérangeant, fascinant, comme une anthologie des perversions possibles. Déchirements de la chair, blessures comme des orifices, liquides et secrétions qui sont exposés sans cesse à notre voyeurisme, avec des scènes de sexe comme ritualisées, un choix des mots brutal et sans sensualité.

 

On imagine le scandale que put provoquer Crash en 1973, dans cet univers qui n’est pas vraiment le futur mais un monde juste au-delà des frontières de la folie du nôtre, un paysage-machine entièrement urbanisé, un monde comme une épave, violent, voyeur et suicidaire.

 

Inspiré par Genêt, par Burroughs, et par un monde moderne dominé par des technologies sinistres, par la pornographie et la paranoïa, Ballard déploie un éventail hallucinant de perversions, qui irritent ou fascinent, dans ce roman malgré tout porté par la beauté de son écriture. Finalement, on se retrouve piégé, voyeur enchaîné dans un récit mortifère.

 

« Mes pieds traînaient sur un tapis de feuilles mortes, de paquets de cigarettes froissées et de débris de verre. Cette poussière de verre de sécurité, balayée sur l’arrondi du talus par d’innombrables ambulanciers, formait comme la moraine d’un glacier miniature. J’étais fasciné par ce collier poudreux, vestige d’un millier de collisions. D’ici trente ans, d’accident en accident, le tapis deviendrait dune. Dans cinquante ans, ce serait une plage de cristaux acérés. Une nouvelle race de clochards surgirait alors, cherchant à croupetons, parmi ces ondulations de pare-brise pulvérisés, des mégots, des préservatifs usés et de la petite monnaie. Enfouie au sein de cette nouvelle strate géologique formée par l’âge de l’accident automobile, il y aurait ma propre mort, minuscule, aussi anonyme qu’une balafre vitrifiée sur un arbre fossile. »



26/05/2013
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