Choses vecues Choses lues

Choses vecues Choses lues

Commentaire autorisé sur l'état de squelette - Eric Chevillard

Quelle que soit sa forme, ici à mi-chemin entre les courtes phrases de l’autofictif et les avenues de ses romans, le langage d’Éric Chevillard, toujours en exploration, est jubilatoire parce qu’il apparaît comme souverainement libre. Dans ces neuf courts textes publiés en 2007, ce détracteur violent d’une littérature qui se contente du réel, se donne en spectacle, avec quelques autres personnages, dans des scènes, absurdes, fantaisistes, incongrues, avec des retournements qui soulignent la fragilité de nos équilibres.  Ce serait périlleux pour n’importe qui, mais lui, miraculeusement, il s’en sort toujours.

 

«Au spectacle», il est le spectateur anonyme et frustré d’un spectacle de ballerines, il s’ennuie et ne comprend pas pourquoi il n’est pas regardé et envié, lui qui est si spontané face à ces danseurs tellement appliqués et si rationnels. Puis tout se retourne, une pluie, qui tourne au déluge, chasse tous les spectateurs des gradins et il est le seul à rester, devenant enfin le centre de l’attention, mais à quel prix ! Puis dans «Corps à corps», l’auteur et le narrateur, personnages fictifs et interchangeables, sont tour à tour l’un pour l’autre, des souffre-douleurs, car tout peut se retourner, et très vite, chez ce Chevillard.

 

«J’attrape mon Chevillard, je lui tords un bras dans le dos, mon autre main le serre à la gorge. D’abord, lui clouer le bec. Il n’oppose qu’une faible résistance. C’est bien la mauviette que j’imaginais, peu doué pour la lutte et qui s’incline sans combattre. Il est maintenant à ma merci. Je lui enfonce un doigt dans l’oreille. Mon Chevillard se laisse faire. J’ébouriffe risiblement ses cheveux, il reste sans réaction. Je lui pince une joue, je le gifle, il pleure en silence. Je l’insulte, les mots ne me viennent pas si facilement d’habitude. Il ravale sa salive. Il tremble. Ce n’est pas souvent que je produis un tel effet.»

 

La jubilation naît de cette impression que les figures littéraires d’Eric Chevillard peuvent varier à l’infini, mais aussi de cette rage contre les faillites de la réalité … qui fait que tout son œuvre n’est pas qu’un divertissement mais une imagination salvatrice contre le réel.



18/05/2014
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