Choses vecues Choses lues

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Verre cassé – Alain Mabanckou

Ancien instituteur alcoolique, le narrateur, surnommé Verre cassé, passe tout

son temps au « Crédit qui a voyagé », un bar crasseux de Brazzaville. Le patron

de ce bar le convainc d’écrire l’histoire de son établissement, sur un cahier qu’il

lui offre. Celui-ci veut que cette histoire soit écrite « parce que c’est ce qui reste,

la parole c’est de la fumée noire, du pipi de chat sauvage ».

 

Entre deux bouteilles de vin rouge, Verre cassé couche donc sur les « premiers

feuillets », première partie du livre, l’histoire de la polémique ayant entouré

l’ouverture du bar (occasion de portraits très savoureux du président et d’un de

ses ministres, enflés de leur propre importance et recherchant la citation qui les

fera passer à la posterité), et le récit des vies elles-aussi cassées des piliers de ce bar.

« derniers feuillets » est une confidence du narrateur sur sa propre vie, le ratage de

son mariage avec sa femme, dite Diabolique, et la disparition de sa mère.

 

En matière d’écrit, Verre cassé est en fait un long monologue parlé, sans majuscules

ni points ; un récit très drôle qui a la forme et la verve d’une histoire contée, truffée

de formules truculentes, d’ironie envers les intellectuels faussement modestes, et

bourré dans la deuxième partie de citations et références aux œuvres littéraires,

sous la plume d’un narrateur, écrivain débutant, qui lui ne se prend jamais très

au sérieux.

 

« je fréquentais toujours mon arbre sous lequel je pissais en lui racontant ma

légende de l’errance, et l’arbre pleurait en m’écoutant parce que, quoi qu’on

dise, les arbres aussi versent des larmes, et il m’arrivait maintenant d’insulter

Diabolique devant cet arbre, d’insulter aussi sa mère qui a un œil plus petit

que l’autre, d’insulter aussi son père qui a un pied bot et une hernie entre

les jambes, et dans ces moments difficiles seul cet arbre me comprenait, il

remuait alors ses branches en signe d’acquiescement et me disait tout bas

que j’étais un pauvre type gentil, que c’était la société qui ne me comprenait

pas, et alors, entre cet arbre et moi s’établissaient de longs causers comme

dirait un Nègre à son amiral à qui il apporte de l’eau de café, je promettais à

mon ami feuillu de me réincarner en arbre quand Dieu me rappellerait »

 



05/06/2012
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