Mantra - Rodrigo Fresan
Inracontable, ce livre l’est – comme peut l’être un rêve ou une hallucination.
La première partie du roman, « AVANT : L’ami mexicain » est très classique –
mais déjà totalement géniale. Le narrateur y raconte sa rencontre d’enfance
avec son ami Martin Mantra - personnage autour duquel on va tourner comme un
cyclone autour de son œil – et avec le clan Mantra, totalité mexicaine portée à
l’écran par l’œil-caméra de Martin Mantra.
« Une multitude charnelle, liquide, océanique, végétale, faite de sang, d’eau
et de sève envahissait l’écran, ignorant tout ce qui ne les impliquait ou ne les
incluait pas. La réalité était inexistante pour les Mantra, qui sautaient d’une
branche à l’autre. »
Mexico, le DF, apparait dans cette première partie comme un lieu rêvé, le lieu
d’origine de Martin Mantra dans lequel le narrateur n’est jamais allé.
Avec la deuxième partie, on laisse derrière soi la rivière d’un récit qui guide le
lecteur au long de son cours, pour pénétrer un récit kaléidoscopique d’une virtuosité
inouïe, sous la forme de l’abécédaire d’un mort, dont le sujet est Mexico.
Toute l’histoire de la ville depuis Moctezuma 1er, l’histoire des hommes et des
femmes célèbres qui sont passés dans cette ville, ont écrit sur elle, traversent
ce récit. Incroyablement érudit, ce récit déstructuré, comme le reflet de
l’impossible cartographie de la ville de Mexico forme un ensemble démesuré
mais cohérent.
« Peut-on raconter une ville comme on conte une histoire, Maria-Marie ?
Je n’en suis pas tout à fait sur. Surtout si cette ville est désarticulée,
sans plan, comme un roman invertébré. »
Le Mexico, mantra de ce livre, est un lieu magique, une espèce d’archétype
de toute l’humanité, un lieu mutant, paradisiaque et infernal, ou tout semble
s’être déjà produit, un lieu dans lequel « le temps est comme une maison
en constante réfection ».
« Le Mexique a son utilité car on peut lui attribuer n’importe quoi. Ici, il
est difficile qu’il ne t’arrive rien, et si c’est le cas, tu peux toujours inventer
car, dans ce pays, même l’histoire la plus délirante devient vraisemblable. »
A peine refermé, « Mantra » est un livre qu’on meurt d’envie de reprendre,
comme une drogue.
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