Choses vecues Choses lues

Choses vecues Choses lues

Le Maître du Haut Château - Philip K. Dick

La nouvelle traduction de 2012 de ce roman de 1962 permet, paraît-il, de vraiment

appréhender le style de Philip K. Dick, ainsi que la façon dont il met les personnages

en scène, dans des destins qui se croisent brièvement, puis se séparent pour suivre

leur cours individuel, selon des codes de la littérature japonaise, reflétant ainsi par

la forme les conditions dans lesquelles un écrivain américain aurait écrit sur la côte

Ouest sous occupation japonaise.

 

Dans "Le Maître du Haut Château", l’histoire est inversée : la tentative d’assassinat

de Roosevelt en 1933 a réussi, les Allemands et les Japonais ont gagné la seconde

guerre mondiale et se sont partagé le monde et le territoire des Etats-Unis, entre

le Reich (sur la côte Est des États-Unis) et l’Empire du soleil levant (sur la côte Ouest).

 

L’action se déroule au début des années soixante aux États-Unis : le Reich a imposé

sa domination raciale et technologique au monde, tandis que les japonais, malgré

leur victoire comme alliés des allemands, apparaissent ceux qui, au final, ont la

plus grande sagesse, font preuve d’ouverture et d’empathie. Les lois raciales nazies

ont chassé les juifs de New-York, les juifs et les africains ont été exterminés, ceux

qui restent en vie sont réduits en esclavage, le système solaire a été colonisé par

les fusées nazies, l’industrie chimique et des matériaux synthétiques sont

entièrement contrôlés par les allemands, les psychiatres et médecins allemands

poursuivent leurs expérimentations sinistres.

 

"Le Maître du Haut Château"  est un récit multidimensionnel, tout d’abord par ses

personnages – Childan, antiquaire vendeur d’artefacts traditionnels américains,

Tagomi, un homme d’affaires japonais qui met la sagesse confucéenne au centre

de sa vie, Frink, un juif refugié sur la côte Ouest, ouvrier et faussaire en bijoux

et artefacts, Juliana son ex-femme professeur de judo extrêmement séduisante

et Baynes, faux homme d’affaires suédois et véritable espion allemand - mais les

personnages essentiels du roman sont deux livres.
Le premier – Le poids de la sauterelle – raconte la victoire de l’Angleterre alliée

des États-Unis à la fin de la seconde guerre mondiale. Ce livre, interdit par le

Reich mais autorisé en zone Japonaise, fascine les lecteurs. Le livre (dans le livre)

dit la vérité (...ou presque car ce monde n’est pas vraiment le nôtre) quand la

réalité fictionnelle, elle, ment et que, pour brouiller encore un peu plus les cartes,

la réalité du "Maître du Haut château" est remplie de personnages faussaires. Enfin,

il y a le personnage central, le livre oracle, le Yi-King, livre de divinations que

Philip K. Dick disait avoir interrogé fréquemment lors de l’écriture de son roman.

 

"Le Maître du Haut Château" est un livre dans lequel la littérature est capable de

tout, et la réalité quasiment de rien. C’est un livre multidimensionnel à en attraper

le vertige, un véritable chef d’œuvre. 50 ans et pas une ride !

 

« Et si Childan croisait un étranger ? Il y avait souvent des Allemands dans les

bureaux des Missions Commerciales, de même que des neutres.
Il risquait aussi de voir un esclave.
Des bateaux allemands ou sudistes transitaient sans arrêt par San Francisco, où les

noirs étaient parfois autorisés à en descendre brièvement. Jamais en groupes de plus

de trois. Et jamais après le crépuscule. Même les lois du Pacifique les obligeaient à

respecter le couvre-feu. Certains esclaves travaillaient cependant comme dockers ;

ceux-là vivaient à terre, dans des cabanes construites sous les quais, au-dessus de

la ligne de marée. Il n’y en aurait pas dans les bureaux de la Mission Commerciale,

mais si on déchargeait un cargo sur le port… Childan devrait-il, par exemple, porter

lui-même ses sacs jusqu’au bureau de M. Tagomi ? Certainement pas. Il lui faudrait

mettre la main sur un esclave, quitte à attendre une heure. A manquer le rendez-vous.

Il était hors de question qu’un noir le voie porter quoi que ce soit ; il fallait y veiller.

Une erreur de ce genre risquait de lui coûter  cher ; ceux qui en seraient témoins

n’auraient plus aucun respect pour lui. »



09/01/2013
0 Poster un commentaire

A découvrir aussi


Inscrivez-vous au blog

Soyez prévenu par email des prochaines mises à jour

Rejoignez les 2 autres membres