Choses vecues Choses lues

Personnage aux talents multiples, poète, essayiste, dramaturge,

librettiste d'opéra, auteur de livres pour la jeunesse, éditeur,

plasticien, Hans Magnus Enzensberger est un homme libre qui

produit ici un livre à son image.

Livre sur un homme libre, « Hammerstein ou l’intransigeance »

est aussi un récit « transgenre », à la fois un essai, enquête et roman,

s’appuyant sur des photos, documents, correspondances, des

entretiens avec les survivants, mais aussi sur des conversations
imaginaires avec les disparus.

Hammerstein est un homme qui parle peu, un grand stratège,

paresseux pour avoir le temps d’être visionnaire. Il voit ainsi dès

les années trente le risque de défaite de l’Allemagne dans un conflit
à l’Est contre la Russie.

« Un jour qu’on lui demandait de quel point de vue il jugeait ses officiers,

il dit : Je distingue quatre espèces. Il y a les officiers intelligents, les
travailleurs, les sots et les paresseux. Généralement, ces qualités vont

par deux. Les uns sont intelligents et travailleurs, ceux-là doivent aller

à l’état-major. Les suivants sont sots et paresseux ; ils constituent 90%  

de toute armée et sont aptes aux tâches de routine. Celui qui est

intelligent et en même temps paresseux se qualifie pour les plus hautes

tâches de commandement, car il y apportera la clarté intellectuelle

et la force nerveuse de prendre les décisions difficiles. »

Résistant plutôt passif mais sans concession, Kurt von Hammerstein

semble avoir amené toute sa famille à résister aux nazis. Le livre est

aussi un récit fascinant sur toute la famille Hammerstein, et en particulier

les filles Marie-Luise et Helga, agents du Komintern ; fascinante aussi

est la tolérance et le laisser-faire de leur père pour leurs activités.

Un exemple de destinée à méditer.