Choses vecues Choses lues

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Ainsi naissent les fantômes – Lisa Tuttle

Ce recueil est une merveille (et un coup de cœur de plus aux éditions Dystopia !)

et les fantômes de Lisa Tuttle résonneront pour longtemps dans mes pensées.

 

Ces six nouvelles prennent leur source dans le quotidien, et puis bifurquent

dans le fantastique, souvent car on méconnait ses proches ou son environnement

familier ; alors des monstres font irruption dans le récit, monstres intérieurs,

physiques ou psychologiques, dans des intrigues construites avec maestria.

 

Pour en parler brièvement en tentant de ne rien dévoiler leur substance fantastique, 

« Rêves captifs » (Closet dreams pour le titre original) est l’histoire d’une

monstrueuse séquestration et d’une extraordinaire échappée sans issue.
« L’heure en plus » s’appuie sur ce sentiment familier de la mère de famille

active dont les journées sont trop pleines, et qui aimerait avoir une heure de

plus par jour, ici pour sa passion, l’écriture. Elle va trouver un équilibre en

ouvrant la porte d’un monde parallèle.
Avec Lisa Tuttle, chaque nouvelle l’est vraiment, nouvelle, mais ces deux-là

ont pour points communs leurs échappées oniriques et une sorte de narration

circulaire qui forme une intrigue virtuose.

 

« Le remède » envisage le langage à la fois comme le propre de l’homme et

comme un virus. « Ma pathologie » est une histoire métaphorique sur l’obsession,

l’enfantement et la maladie, l’histoire d’une femme victime de son amour

pour un alchimiste. « Mezzo-tinto », qui rend hommage à M.R. James,

nous replonge dans la peur primitive ressentie à la lecture de contes tels

que Barbe-Bleue, une nouvelle dans laquelle on découvre que les maisons

de famille ne sont pas toujours des havres de paix accueillants. Et enfin,

dans « La fiancée du dragon », nous accompagnons Isobel, jeune femme

hantée par le souvenir obscur d’un séjour chez sa tante lorsqu’elle avait

douze ans, et par une question sur l’existence des dragons, dans son

voyage de retour en Angleterre chez cette même tante.

 

L’union du familier et du fantastique, et le ressort des peurs primitives

donnent à ce recueil une portée universelle. Enfin, on trouve aussi dans

ce livre une courte préface et une interview de l’auteur, toutes deux réalisées

par Mélanie Fazi, qui nous ouvrent un peu plus les portes du monde

fantastique de Lisa Tuttle.

 

« Maman tourna la tête et me vit. Sans paraitre s’étonner, elle m’ouvrit les bras.
- Viens là, ma chérie.
Nerveuse, je m’avançai vers elle tout en observant le mur. Les cauchemars

se dissipaient généralement à l’arrivée des adultes, mais les ombres ne se

transformèrent pas comme je l’avais espéré. Celle qui se trouvait derrière

maman devint un gigantesque insecte noir d’encre en trois dimensions qui

émergea du mur pâle pour se diriger vers moi. Je me tortillai en hurlant

pour tenter de m’enfuir, mais ma mère me maintenait fermement, l’expression

immuable, implacable. Elle m’immobilisa tandis que la longue trompe noire

de la créature d’ombre jaillissait pour toucher mon ventre à travers mon

pyjama. Elle traversa le tissu puis ma peau et s’enfonça profondément en

moi. Jamais je n’avais connu de douleur aussi atroce. Je hurlai de douleur

avant de m’évanouir. »
(Ma pathologie)



17/07/2012
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